Médecine : Diagnostic prénatal du lymphangiome kystique cervical

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Diagnostic prénatal du lymphangiome kystique cervical
(A propos d’un cas rare)

antenatal diagnosis of cervical cystic lymphangioma
(About one rare case)


 S.JAYI*, H.CHAARA**  F.Z. FDILI*,  H.BOUGUERN**, MA.MELHOUF***.
* professeur assistant **professeur agrégé, ***chef de service
Service de gynécologie obstétrique II, CHU Hassan II, Fès, Maroc.


RESUME
Le diagnostic prénatal du lymphangiome kystique est souvent associé à des anomalies chromosomiques ou à une anasarque fœtale. Dans sa localisation cervicale, Le nouveau né présente une détresse respiratoire en post natal immédiat par compression des voies aériennes. Le diagnostic prénatal de cette entité a un grand intérêt qui est la programmation de l’accouchement, le contrôle de la fonction respiratoire en post-natal immédiat, puis le traitement chirurgical, permettant ainsi d’améliorer le pronostic. Ce diagnostic est basé essentiellement sur l’échographie et l’IRM. Nous rapportons le cas d’une patiente de 30 ans, chez qui l’échographie faite à 19 semaines d’aménorrhée (SA) a trouvé une masse fœtale cervicale d’échostructure mixte, faisant évoquer un lymphangiome kystique. La surveillance échographique a objectivé une augmentation de la taille de la masse avec apparition d’un excès du liquide amniotique. Une décision de césarienne programmée à 34 SA après corticothérapie a été prise en collaboration avec les néonatologues et les chirurgiens pédiatres. Le nouveau-né a présenté une détresse respiratoire à H2 de vie nécessitant une ponction drainage de la masse et une ventilation artificielle. Cependant il est décédé à j12 de vie dans un contexte de choc septique.

À travers notre cas et à la lumière d’une revue de la littérature nous insistons sur la caractéristique du diagnostic prénatal et de la prise en charge perpartum de cette entité.

Mots clés :
Lymphangiome cervical - kystique – diagnostic anténatal – prise en charge perpartum.
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ABSTRACT
The antenatal diagnosis of the cystic lymphangioma is often associated with chromosomal anomalies or an hydrops fetalis In its cervical localization, the new born presents a respiratory distress in immediate post native by compression of the air ways. The antenatal diagnosis of this entity has a great interest which is the programming of the childbirth, the control of the respiratory function into immediate postnatal, then the surgical treatment, thus making it possible to improve the forecast. This diagnosis is based primarily on echography and the IRM. We report the case of a 30 year old patient, in whom the echography made at 19 weeks of amenorrhoea (SA), found a foetal mass cervical mixed échostructure, making evoke a cystic lymphangioma. The echographic monitoring objectified an increase in the size of the mass with appearance of an excess of the amniotic liquid. A decision of Caesarean programmed to 34 SA after corticothérapie was made in collaboration with the neonatologists and the surgeons pediatrists. The new born presented a respiratory distress at H2 of life requires a puncture drainage of the mass and an artificial ventilation. However it is died with 12 days of life in a context of septic shock.

Through our case and in the light of a review of the literature we insist on the characteristic of the antenatal diagnosis and the assumption of responsibility perpartum of this entity.

Key Words: cervical lymphangioma – cystic - antenatal-diagnosis- perpartum managment
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INTRODUCTION :

Le lymphangiome kystique est une anomalie congénitale du système lymphatique (1.) Bien qu’elle soit une entité histologiquement bénigne, elle peut être à l’origine de complications graves. (1-2)

Dans sa localisation cervicale, il peut intéresser la langue, le plancher de la bouche, le pharynx, le larynx, et la trachée ; ce qui explique la difficulté à avaler et la détresse respiratoire qui peuvent en résulter (3-4). Ceci, souligne le grand intérêt du diagnostic prénatal, dans l’amélioration du pronostic néonatal (5-6)

OBSERVATION

Nous rapportons le cas de Mme F.K, âgée de 30 ans, primigeste, sans antécédents pathologiques notables. La patiente avait consulté chez nous à 19 SA pour suivi de sa grossesse. L’examen clinique était sans particularités, alors que l’échographie avait trouvé une masse fœtale cervicale d’échostructure mixte, mesurant 56/57 mm (figure 1), dont l’aspect échographique et la localisation étaient en faveur d’un lymphangiome kystique cervical.

 

diag1            diag2

La patiente a été suivie régulièrement à la consultation prénatale. Le contrôle échographique rapproché a objectivé une augmentation progressive de la taille de la masse avec apparition de zones liquidiennes séparées par de fins septas (figure2) et apparition d’un excès du liquide amniotique témoignant de la compression oesophagienne et de la difficulté de déglutition.

Une décision de césarienne programmée à 34 SA après corticothérapie a été prise en collaboration avec les néonatologues et les chirurgiens pédiatres en vue d’une prise en charge chirurgicale programmée. Laquelle césarienne a permis l’extraction d’un nouveau né de sexe féminin, Apgar 10/10, poids à 3000 g, avec une énorme masse cervicale, molle, faisant 18 cm de grand axe (figure 3) À H2 de vie le nouveau né a présenté une détresse respiratoire nécessitant une ponction drainage de la masse (figure 4) et une ventilation artificielle. Cependant il est décédé à j12 de vie dans un contexte de choc septique.

          diag4 

DISCUSSION :

Définition :
Les lymphangiomes kystiques sont des tumeurs bénignes dysembryoplasiques rares d’origine lymphatique, qui représentent 2,6 à 5% des masses cervicales congénitales. Ils sont composés de plusieurs types de tissus, vaisseaux lymphatiques et de tissu conjonctif à des degrés variables, expliquant que certains les considèrent comme des hamartomes et non comme des tumeurs kystiques (7). Le LKC est due à une dilatation des vaisseaux lymphatiques qui restent séparés par une composante mésenchymateuse lâche d’importance variable (8).  Le LKC peut aller de la forme microscopique à la forme kystique (1-9).  Sa localisation préférentielle est le triangle cervical postérieur, il peut aller de la forme simple à la forme sévère avec extension importante aux organes de voisinage essentiellement la trachée et l’œsophage (2-10) voir même une extension médiastinale dans 10 % des cas (7).

Pathogénie :
Le système lymphatique fœtal se développe vers la cinquième semaine de la gestation, le défaut de communication entre les canaux lymphatiques a pour conséquence des accumulations pathologiques du liquide lymphatique, qui s’observent d'abord dans la région nucale (1)

L'échec total du drainage lymphatique sera à l’origine de l’anasarque fœtale dans un 2ème temps. (1-5-6-11). Le LK cervical qui apparaît tard au cours de la grossesse est rarement associé à l’anasarque fœtal et aux anomalies chromosomiques, contrairement à celui qui apparaît avant 30 semaines d’aménorrhée. (1)

Complications:
En prénatal : outre le risque de compression des voies aériennes, le LKc de grande taille peut comprimer l'oesophage, avec comme conséquence un hydramnios par défaut de déglutition, ceci a été en effet constaté chez notre patiente. Secondairement la surdistention utérine peut être à l’origine d’une menace d’accouchement prématuré.  (12)

En post-natal : le risque essentiel est la détresse respiratoire qui est très difficile à gérer.

Diagnostic prénatal :
Le diagnostic prénatal a toute son importance dans l’amélioration du pronostic (grâce à certaines interventions prénatales), la décision de la voie d’accouchement ainsi que la prise en charge rapide et organisée de la détresse respiratoire en post-natal immédiat (5)

Le LKC peut être suspecté en anténatal échographiquement devant une masse kystique souvent volumineuse, anté et ou latéro-cervicale ou cervico-faciale. Au stade de début, Les kystes de petite taille peuvent être responsables de plages echogénes pseudo solides, comme c’est le cas chez notre patiente sur les images échographiques prises à 19SA (figure 1,2) Quand la masse devient volumineuse, elle se présente sous forme de multiples zones liquidiennes de tailles variables, séparées par de fins septa comme c’est le cas de notre patientes lors des échographies faites entre 30 et 34 SA (figure3,4). Des formes uniloculaires et des localisations postérieures ont été aussi décrites. Dans certains cas l’extension peut se traduire par un épaississement des parties molles. (13)

Dans les LKC volumineux dépassant le champ de la sonde d'échographie, surtout en fin de grossesse, l'IRM permet d'obtenir une vue globale de la masse (14). L’IRM permetterait beaucoup mieux que l'échographie, d'évaluer les rapports de la masse cervicale avec les voies aériennes. (15-16).Celles-ci apparaissent, en effet, en franc hypersignal en T2 et le contraste est bien meilleur qu'en échographie (14). Quand le diagnostic anténatal des masses cervicales fait défaut, la découverte néonatale peut dans certains cas conduire à des attitudes thérapeutiques non adaptées vue la difficulté de diagnostic différentiel (17)

Prise en charge prénatale :
Bien que la prise en charge post-natale permette souvent de libérer les voies aériennes grâce à l’intubation par bronchoscope, un grand risque de décès hypoxique persiste en cas de LKC extensif.  Une aspiration in utéro des grandes lésions peut être faite afin de prévenir une dystocie du travail et de faciliter la libération des voies aériennes en post natal (1)

Prise en charge per-partum :
Le diagnostic prénatal de l'obstruction des voies respiratoires foetales permet la conversion d’une situation d’urgence souvent mortelle en un accouchement programmé et mieux géré. Une technique appelée « the exit procedure » consiste à maintenir l'utérus relâché après l’extraction fœtale par césarienne, grâce aux halogénés. Ceci permet de maintenir le flux sanguin utéro-placentaire et l'échange foetal des gaz avec une pression gazeuse normale au niveau du sang du cordon jusqu’à la 45ème mn. Cette durée est classiquement suffisante pour réaliser certains gestes de sauvetage comme la laryngoscopie avec intubation, la trachéotomie, l’administration d'agent tensio-actif, voire même la décompression du lymphangiome.

Le risque maternel essentiel de cette technique est représenté par l’inertie utérine et l’hémorragie de la délivrance qui en résulte. Ceci peut être réduit au minimum par la coordination entre le chirurgien et l'anesthésiste pour diminuer la concentration de l'anesthésique inhalé et pour administrer l'ocytocine avant le clampage du cordon ombilical, ceci, en plus de l’utilisation des agrafes sur les berges de l’hystérotomie. Par ailleurs, ce procédé reste contre-indiqué en cas de placenta bas inséré antérieur (12). Il permet une bonne adaptation à la vie extra-utérine (18). La combinaison de la surveillance materno-fœtale intensive, la césarienne avec « the exit procedure » fournit des conditions favorables pour assurer la liberté des voies aériennes. Après laquelle, l’accouchement du bébé peut être accompli et une intervention chirurgicale visant à exciser la masse peut être programmée (19)   puisqu’elle est à la base de la prise en charge des LKC (20)

Pronostic :
Le pronostic du LKC est conditionné essentiellement par son volume (retentissement sur les voies aéro-digestives supérieures) et surtout par son extension, en particulier aux régions profondes de la face. L’extension peut aussi se faire vers les régions axillaires et thoraciques. (13) Grâce au diagnostic prénatal, la prise en charge post-natale, basée sur une chirurgie soigneuse avec conservation des structures impliquées, permet d’améliorer le pronostic en réduisant la morbi-mortalité (4).

Par ailleurs, de rares cas de régression spontanée du lymphangiome à J7 de vie ont été rapportés (1-21)

CONCLUSION :
Le lymphangiome cervical kystique est une pathologie qui peut être à l’origine de complications fœtales très graves. L’amélioration du pronostic passe d’abord par le diagnostic prénatal qui est basé sur l’échographie et l’IRM fœtales. La prise en charge se fait par l’aspiration in utéro de la masse quand elle est volumineuse et par la technique appelée : « the exit procedure ».

REFERENCES :


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2- Telander RL, Filston HC: Review of head and neck lesions in infancy and childhood. Surg Clin North Am 72: 1429-1447, 1992

3- Nakano M, Saeki M, Kuroda T, et al: Treatment for cervical lymphangioma with respiratory problems. Jpn .I Pediatr Surg 25:407- 414, 1993

4- Wiswell TE, Miller JA: Infections of congenital cervical neck masses associated with bacteremia. J Pediatr Surg 21:173-174, 1986

5- Crombleholme TM, D’Alton M, Cendron M, et al: Prenatal diagnosis and the pediatric surgeons: The impact of prenatal consultation on perinatal management. J Pediatr Surg 31:156-163, 1996

6- Van Vugt JMG, Van Zalen-Sprock RM, Kostense PJ: Firsttrimester nuchal translucency: A risk analysis on fetal chromosome abnormality. Radiology 200:537-540, 1996

7- Lamia Rezgui-Marhoul, Lotfi Hendaoui. Lymphangiome kystique cervical, diagnostic prénatal.   La Presse Médicale – 967 23 juillet 2005 • tome 34 •  n°13 .

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15 Amin RS, Nikolaidis P, Kawashima A, Kramer LA, Ernst RD. Normal anatomy of the fetus at MR Imaging. Radiographics  1999 ; 19 : S201-S214

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19- Ernesto Leva, Luigi Pansini, Giorgio Fava, Luciano Maestri, Andrea Pansini, Georgio Selvaggio The role of the surgeon in the case of a giant neck mass in the EXIT procedure. Journal of Pediatric Surgery (2005) 40, 748– 750

20- Selena E. Heman-Ackah BA, presenter, John H. Greinwald, Jr MD and Richard G. Azizkhan MD  Complications and management of massive cervical lymphangiomas Otolaryngology-Head and Neck Surgery
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21- A. couture, C. Baud, M.saguintah, C. Veyrac. Les malformations congénitales, diagnostic anténatal et devenir. Tome 4. SAURAMPS MEDICAL 2007.

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